Deux ans de lutte contre l’IA

En avril 2022, une préoccupation nouvelle s’invitait à l’assemblée générale de l’ATLF : l’intelligence artificielle et son impact sur notre métier.

Avant la commercialisation des plateformes d’IA génératives (IAG) grand public, cette technologie et ses conséquences relevaient de l’impensé, à l’exception des pistes explorées par l’Observatoire de la traduction automatique initié par ATLAS en décembre 2018.

Depuis, l’ATLF a pris la question à bras le corps, d’abord par l’organisation d’une table ronde aux Assises de la traduction littéraire à Arles en novembre 2022, où trois associations professionnelles (ATLF, ATAA, SFT) évoquaient les dangers de l’IAG, déjà à l’œuvre en ce qui concernait nos collègues de traduction pragmatique. Le même mois, le STAA publiait sa tribune pionnière qui ouvrait la réflexion de manière documentée et radicale.

En mars 2023, ATLAS et ATLF ont poursuivi cette réflexion par une prise de position conjointe appelant à des mesures urgentes pour assurer la transparence en matière d’usage de l’IAG et d’utilisation de nos œuvres pour entraîner les algorithmes. Puis en octobre 2023, le collectif En Chair et en Os sortait son manifeste pour une traduction humaine, aujourd’hui signé par plus de 15 000 personnes, dont plusieurs prix Nobel.

Ces discussions, ces prises de position forment une histoire commune de la défense de notre métier face à la machine : toutes dénoncent l’imposture que représente l’IAG, avec sa promesse de remplacer « vite et bien » un métier qui, nous le savons par expérience, exige du temps et du savoir faire. L’industrie de l’IA fait miroiter à nos éditeurs d’hypothétiques gains de productivité. Les conséquences de ce choix délétère sont graves pour les traductrices et les traducteurs qui font alors l’expérience de la perte de sens de leur métier, et pour la société comme pour le lectorat, car elle conduit à une uniformisation de la langue. Tout cela sans compter que ces opérations sont rendues possibles par le pillage de nos traductions humaines.

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Fidèle à sa mission de défense du métier de la traduction, l’ATLF a introduit cette année deux clauses dans son nouveau modèle de contrat de traduction :

Par l’article 1.2, le traducteur comme l’éditeur s’engagent à ne pas avoir recours à l’intelligence artificielle générative pour établir la traduction.

Cet engagement mutuel protège les deux parties contre les possibles contrefaçons liées aux données d’entraînement utilisées (qui intègrent des traductions existantes), et garantit une traduction de qualité, qui préserve notre savoir-faire et nos conditions de travail.

L’article 10 exprime le refus de l’usage de l’œuvre de traduction à des fins d’entraînement d’intelligences artificielles.

Cela correspond à l’exercice du droit d’opt out, créé par la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur. Concrètement, la traductrice ou le traducteur s’oppose à ce que son travail soit utilisé pour alimenter les corpus d’entraînement des IA.

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Ensemble, les professionnel.les de l’édition et de la traduction ont la possibilité de refuser l’usage de l’IA et l’appropriation de notre travail pour développer cette technologie qui nuit à nos métiers comme à la qualité des livres publiés.

L’ATLF entend poursuivre son action en faveur d’une traduction humaine de qualité.