De nos jours, au Japon. Un jeune homme, Taguchi Hiro, vient de passer deux ans enfermé dans sa chambre. Ohara Tetsu, lui, a été licencié par son entreprise et continue chaque jour à faire semblant d’aller travailler : il a peur d’avouer à sa femme ce qui s’est passé. Le court roman de Milena Michiko Flasar raconte leur rencontre improbable sur le banc d’un parc. L’un réapprend à parler, l’autre accepte de se dévoiler. Tous deux revisitent leur passé, mettant ainsi au jour leurs souffrances cachées. Une preuve de confiance qui est aussi, mais peut-être ne s’en rendent-ils pas compte tout de suite, un acte de vie et d’ouverture sur le monde.
Dans une société où les normes sociales et comportementales pèsent très lourdement sur les individus, Taguchi et Ohara essaient, chacun à sa façon, de se réinventer. L’épreuve est éminemment douloureuse, mais elle se révèle fructueuse. À la fin du récit, quelque chose aura changé dans leur existence.
Ce texte est d’une écriture discrète, extrêmement travaillée, tout en finesse et en légèreté. Autrement dit, une gageure pour la traduction. L’heureux traducteur qui s’est attelé à la tâche l’a accomplie avec brio et subtilité. On sent à la lecture un mélange très singulier d’aspérités et de fluidité, et le silence est présent au cœur même des paroles.
Milena Michiko Flasar
La cravate
Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Mannoni
Éditions de l’Olivier, 2013
Changement complet de décor. Cette fois, nous sommes en Suède, ou plutôt en mer, au large de la Suède, puis de l’Écosse. Ce n’est pas pour le plaisir de naviguer que le Suédois Ulf, accompagné de son ami Torben, a décidé d’affronter les rigueurs de la mer du Nord en plein hiver. Une rencontre décisive avec le mystérieux MacDuff, puis avec un navigateur traqué, terrifié par un événement qu’il préfère taire, va le jeter dans des périls sans nom et l’obliger, pour sa propre sauvegarde, à percer le mystère du sinistre Cercle celtique.
C’est un polar, oui, mais pas seulement. L’intrigue, quoique captivante, s’efface devant cet acteur principal qu’est la mer, la mer dans tous ses états. Le Cercle celtique, c’est aussi et avant tout un roman de navigation, une aventure hors du commun où la nature déchaînée introduit les personnages à d’autres dimensions. En fin de compte, l’étrangeté qui baigne le récit naît moins de l’évocation du monde ressuscité des Celtes que de la confrontation avec un élément qui révèle l’homme à lui-même et l’oblige continuellement à se dépasser.
La tâche du traducteur paraît ici singulièrement difficile, car il fallait à la fois relever le défi que constitue la traduction du vocabulaire maritime et savoir restituer la poésie, douce ou violente, qui caractérise les descriptions de l’élément marin. Il y a dans ce roman de véritables morceaux de bravoure, et ces passages exigeaient du traducteur une grande maîtrise. On ne peut qu’être admiratif du travail fourni, qui sert au mieux ce texte fort et singulier.
Björn Larsson
Le Cercle celtique
Traduit du suédois par Christine Hammarstrand
Éditions Gallimard, Folio policier, 2013
Corinna Gepner, septembre 2013