Un texte rare, et singulièrement envoûtant, de l’écrivain italien Giorgio Vigolo. L’action se passe à Rome, au XIXe siècle. Le narrateur, un jeune homme passionné de musicologie, est venu effectuer des recherches dans les bibliothèques et les églises romaines. C’est alors qu’il « rencontre » la Virgilia, une musicienne et poétesse de la Renaissance, dont il s’éprend éperdument. Et de rêveries en rencontres, de flâneries en découvertes, il va percer le secret de sa mort… et de sa résurrection.
Voilà un récit captivant, empreint d’une poésie raffinée et d’une force d’évocation tout à fait exceptionnelle. L’auteur réussit à entrelacer les registres de la spiritualité et de la sensualité dans un style délibérément chargé, somptueux, qui mime la richesse de l’ornementation architecturale et les méandres de l’âme entraînée par la passion. La traductrice, qui a travaillé sur les variantes du texte, a visiblement apporté son enthousiasme propre pour restituer au mieux cet ouvrage si particulier.
Giorgio Vigolo
La Virgilia
Traduit de l’italien par Nathalie Castagné
Éditions de la Différence, 2013
Joël aura bientôt douze ans, l’âge où l’on cesse d’être un petit garçon pour devenir quelque chose comme un homme. Mais ce passage-là est tout sauf évident, surtout quand on a été abandonné par sa mère. Depuis, Joël vit seul avec son père, bûcheron, dans le nord de la Suède. Il n’a pas de « meilleur ami », ce qui le tracasse, et ne se sent de sympathie que pour les spécimens excentriques qui peuplent le voisinage : Gertrude, la femme sans nez, Simon Bourrasque, le bien nommé. Épris d’aventures imaginaires, Joël peine à s’insérer dans le monde des autres. Et ce n’est pas le miracle dont il se retrouve involontairement le héros qui va l’aider à y voir plus clair dans son existence un peu flottante.
Un jour qu’il traverse la rue sans regarder, il est renversé par un bus… et se relève indemne. Tous crient au miracle et Joël se retrouve alors nimbé d’une aura un peu effrayante. Comment vivre désormais avec cet événement incompréhensible ? Et avec la conscience nouvellement acquise de sa mortalité ?
Une seule solution : accomplir une bonne action, en signe de gratitude, bien sûr, mais aussi dans l’espoir que cela lui permettra de faire passer ce miracle encombrant à la trappe. Cependant quelle bonne action Joël pourrait-il accomplir ? Un hasard le met sur la piste : il va essayer de trouver un mari à Gertrude. Il ne sait pas dans quoi il s’engage…
Ce texte de Henning Mankell, plus connu pour ses romans policiers, est particulièrement prenant et émouvant. Il décrit avec une incroyable justesse de ton la vie intérieure de Joël, ses interrogations, ses doutes, ses aspirations et ses peurs. Sans complaisance, mais avec une tendresse perceptible à chaque ligne. C’est tout un univers enfantin qui prend corps, largement ignoré des adultes et qui cherche sa cohérence dans un monde parfois révoltant et difficile à décrypter. On rit, car l’humour est très présent, on est ému, troublé par la force et l’acuité du texte, très bien servi par la traduction, qui en souligne la sobriété, la simplicité et la profondeur.
Henning Mankell
Les ombres grandissent au crépuscule
Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy et Karin Serres
Seuil, 2012
Corinna Gepner
juin 2013