Festival Lettres du monde

Le 21e Festival Lettres du monde à Bordeaux avait pour thématique générale « De beaux lendemains ? ». Une interrogation à relier à l’objet de la journée d’étude dont l’ATLF était partenaire : « Quel est l’impact des intelligences artificielles dans les métiers du livre ? ».

Autrement dit, de quels lendemains les IA sont-elles le nom ? Cette journée, dense, entendait faire un état des lieux des problématiques liées au recours à l’IA dans la chaîne du livre.

En ouverture, Laurent Simon, professeur à l’école d’ingénieurs ENSEIRB-MATMECA de Bordeaux-INP (Institut polytechnique de Bordeaux) s’est livré à une présentation synthétique des développements technologiques qui ont abouti aux systèmes que nous connaissons aujourd’hui. Une introduction factuelle et sans parti-pris, qui nous a permis de glaner au passage quelques statistiques peu réjouissantes : plus de 90% des étudiant.es déclarent utiliser quotidiennement une IAG et d’ici 2030 les machines auront ingéré toute la production écrite de l’humanité depuis l’invention de l’écriture… Avec un risque non négligeable « d’hallucinations » croissantes dû à leur auto-alimentation (les machines se nourriront majoritairement de leur propres productions). Une perspective qui inquiète autant les ingénieurs que les artistes…

La parole fut ensuite donnée aux représentant.es des différents métiers, de l’écriture à la lecture publique, et plusieurs points de vue de traducteurices ont pu s’exprimer. Ainsi Laurent Queyssi qui, pour être également auteur et très grand amateur de science-fiction, ne voit pas pour autant d’intérêt personnel à utiliser l’IA. De son côté, Anaïs Goacolou s’est livrée à une petite démonstration comparative entre ses propres traductions et celles obtenues avec DeepL Pro. L’originalité de l’exercice résidait dans le choix du corpus proposé : des extraits de « new romance », soit des textes qui a priori seraient plus susceptibles d’être correctement traduits par une IAG que la « grande littérature ». Anaïs a fourni des exemples très parlants d’erreurs et contresens manifestes. Bien traduire de la romance présente un enjeu véritable, les lecteurices y sont sensibles et le signalent : ce lectorat est très actif sur les réseaux sociaux et cela peut devenir un argument vis-à-vis d’éditeurs qui seraient tentés d’avoir recours à l’IA par manque de considération pour leur propre public. C’est toute la question du good enough (« traduire avec DeepL ça suffira bien pour ce texte »), également soulevée par Jonathan Seror en conclusion de sa présentation de l’état du droit et des faibles moyens légaux dont disposent les traducteurices pour s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres pour nourrir les machines.