Entretien avec Valérie Le Plouhinec

[spb_text_block title= »Je traduis David Walliams en riant toute seule » pb_margin_bottom= »no » pb_border_bottom= »no » width= »1/1″ el_position= »first last »]

Comment en êtes-vous venue à traduire de la littérature jeunesse ?
Un peu par hasard. Je travaillais auparavant dans l’édition, et quand j’ai commencé à traduire, c’était dans le domaine jeunesse que se trouvaient mes contacts. J’y prends un vrai plaisir, même si j’essaie aussi de faire autre chose.

Quelle tranche d’âge vous intéresse le plus ?
La littérature pour les 8-12 ans, ou “Middle-Grade”, qui a beaucoup évolué en dix ans. La production, notamment britannique, est formidable. Les auteurs vont plus loin dans l’imaginaire. Pour moi, il s’agit vraiment d’un phénomène. Les thèmes abordés sont variés, même si ces ouvrages abordent beaucoup le rapport aux adultes. On peut y parler de tout, ce qui fait leur richesse. On y trouve aussi des “nonsenses” en pagaille, de l’humour, et tout cela sort les enfants de leur quotidien. Il est abordé, bien sûr, mais traité différemment parce qu’on est dans le monde des livres, de l’imaginaire. Quand j’ai travaillé à Joe Millionnaire de David Williams, j’ai traduit en gloussant du début à la fin. Dans un genre complètement différent, j’ai aussi éprouvé un grand plaisir à traduire L’enfant du jeudi, de Sonya Hartnett. C’est le texte le plus littéraire auquel j’ai travaillé. Elle a reçu plusieurs prix pour ce roman, en Australie et en Angleterre.

Quels sont les romans qui vous ont particulièrement marquée ?
Mon plus grand plaisir, ce sont les textes qui s’adressent à l’intelligence des enfants. La recette d’un bon roman jeunesse, à mes yeux, c’est du fond, une langue et une histoire. Je pense par exemple à l’auteur australien Morris Gleitzman. Il a notamment écrit un roman au thème inhabituel : la crise de subprimes. Temps de chien pour les requins (Éditions des Grandes Personnes) est un véritable cours d’économie ! Le héros est fils de traders hyperriches. Pour sauver son chiot qui a été enlevé, il organise un trafic de sous dans son école afin de payer la rançon. Évidemment, ça ne marche pas et il se retrouve devoir beaucoup d’argent à tout le monde. Mais en quelques pages, on comprend la crise financière et l’écroulement des marchés.
Dans un autre genre, il y a la série Madame Pamplemousse. La grâce du texte anglais est magnifique. Parfois, en jeunesse, les scénarios sont soignés mais pas l’écriture, ce qui n’est pas le cas dans cette série. La compréhension des mots se fait par le contexte, et tant que la lecture est fluide, cela ne pose pas de problèmes aux enfants. D’ailleurs, une fillette de huit ans a dit que c’était bien écrit, et cela m’a fait plaisir. Je pense qu’elle se sentait valorisée qu’on lui donne un texte comme celui-là.

Quels sont les défis d’écriture à relever lorsqu’on traduit de la jeunesse ?
img_0229Il faut trouver des idées tout le temps. Il y a une part de magie, parce qu’on ne peut pas savoir ce qui va marcher, mais il faut trouver le ton, le tempo juste. Et puis, il y a ces blagues et jeux de mots à rendre en français, comme chez Walliams. Il arrive d’ailleurs que cela fonctionne mieux en français que dans la version originale. Par exemple, dans Diabolique dentiste, la dentiste est une sorcière. Intervient donc la Tooth fairy puisqu’en Angleterre, ce n’est pas une petite souris qui vient chercher les dents de lait, mais une fée des dents. Alors que faire ? Et bien là, ça marchait encore mieux parce que justement la sorcière a un chat, à qui elle donne à manger la fée des dents. Dans un genre différent, Chez nous – personne n’est parfait, de Tom Easton (à paraître chez Casterman), où la maison est un personnage à part entière, exigeait que les mots soient les bons, au bon moment. La petite fille de la famille a peur que ses parents se séparent. Ce sont ses angoisses qui s’expriment quand elle observe la maison, dont la porte d’entrée refuse la plupart du temps de s’ouvrir, par exemple.

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Les romans de David Walliams, star de la télévision britannique avant d’être auteur, rencontrent un immense succès des deux côtés de la Manche. Qu’en dit, qu’en pense sa traductrice ?

Dans Joe Millionnaire, le père de Joe a pour fiancée une page-3 girl. Comment fait-on face à une référence si typiquement britannique ?
b6mjgqgiaaa2qfcL’explication de la traductrice : Effectivement, les filles de la page 3, ce sont celles qui posent en maillot de bains dans les tabloïds et ont des allures de bimbo. Là, quand je traduis par “la bombe de la page 3”, la référence s’adresse évidemment surtout aux parents.

Toujours dans Joe, la cantinière propose des menus très spéciaux…
L’explication de la traductrice : Quand je peux adapter, j’adapte. Et parfois, je laisse des références dont je sais encore une fois que ce sont les parents qui souriront ou riront. Dans ces menus, par exemple, on a comme plat du mercredi un Perroquet Pilaf qui “peut contenir des traces d’arachnide”. Le mardi, le dessert est un “entremets “doigts de pieds” (aux ongles d’orteil)”. Ce n’est pas de moi, mais de Bobby Lapointe ! Une “private joke” que je m’autorise parce que cela donne de la chair au texte et que je connais vraiment bien l’auteur. En plus, ça ne “sent” vraiment pas la traduction (juste un peu des pieds – NDA)

Et ce n’est pas trop dur de faire porter au héros Patate comme nom de famille ?
L’explication de la traductrice : Joe Patate s’appelle Joe Spud en anglais… et spud signifie « patate ». Là, je n’ai pas eu à aller chercher très loin !

Propos recueillis par Luce Michel

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