Comme on ne fait pas que lire, penser ou vivre en traduction, on ouvrira une rubrique de curiosités en tous genres, appelée Curiosa, pourquoi pas, qui n’a qu’une vocation : surprendre, égayer, proposer des chemins de traverse, lesquels, comme on sait, sont toujours ceux qui nous mènent le plus loin. Aussi proposera-t-on, mais sans trop s’étendre, de quoi lire, écouter, regarder, goûter, sentir… Une rubrique qui sera régulière, donc, car il y a tant à explorer.
Et pour commencer, parlons philosophie en compagnie de
Madame la Maréchale de ***, qui se laisse aller à converser sur des sujets fort sérieux – un athée peut-il avoir de la morale ? – avec un « philosophe », entendez Diderot soi-même. Un petit dialogue incisif, qui conjugue avec un rare bonheur les plaisirs de la pensée et ceux d’une galanterie enjouée. Cet opuscule a été réédité par les éditions Zoé et agrémenté d’une préface et de notes éclairantes, parfois teintées d’un soupçon de malice.
Denis Diderot
Entretien d’un philosophe avec Madame la Maréchale de ***
Texte annoté et préfacé par Laurent Cantagrel
Éditions Zoé, 2013
Mäko, tel est le nom du morse sculpteur de banquise imaginé par Julien Béziat dans un album éponyme de 2011 qui ressort dans la collection lutin poche de l’École des loisirs. Sculpter la banquise, en effet, c’est aussi attirer le poisson, comme le constatent avec joie les voisins de Mäko. Mais que faire le jour où la banquise craque, disloquant les œuvres de glace de Mäko ? Heureusement l’artiste a de la ressource, il va trouver moyen de faire appel à des forces naturelles proportionnées à l’urgence de la situation… N’en disons pas plus, il serait dommage de déflorer cette histoire merveilleusement illustrée par l’auteur.
Julien Béziat
Mäko
L’École des loisirs, lutin poche, 2014
La seiche vagabonde
jette son liquide huileux
et la mer change de couleur
La seiche, « revue politique et littéraire », qui, dans sa rubrique « Brèches » du numéro d’octobre 2013 (il n’est jamais trop tard pour bien lire), propose un délectable compte rendu d’exposition signé Nadja Admïre. Où l’on découvre que la manière d’exposer les tableaux peut changer du tout au tout le regard que l’on pose sur les œuvres et ménager des perspectives inédites. La « beauté enfermée » – tel est le titre d’une exposition qui a été organisée au musée du Prado dans le courant de l’année 2013 – livre ainsi des aperçus troublants, éclatés, fragmentaires, où un détail peut donner accès à tout un monde.
Il serait très dommage de passer à côté du film de Safinez Bousbia, El Gusto, désormais disponible en DVD, qui décrit les retrouvailles, cinquante ans plus tard, de musiciens amoureux de la musique chaâbi. Il y a beaucoup d’amour dans ce film : l’amour pour cette musique pratiquée dans la casbah d’Alger, l’amour de la réalisatrice pour ces hommes qu’elle retrouve l’un après l’autre au terme d’une longue recherche, l’amour enfin qui réunit des musiciens heureux de jouer ensemble, toutes cultures et toutes origines confondues. Le voyage vaut le détour !
El Gusto
Un film de Safinez Bousbia
DVD Zylo, 2012
Et pour terminer, on signalera un délicieux album traduit (le retour du refoulé !) du japonais, C’est toi le printemps ? Une charmante histoire de petit lapin qui veut à toute force rencontrer le printemps alors que l’hiver n’a pas encore secoué le manteau de neige qui recouvre la forêt. Le texte est limpide, les illustrations d’une beauté magique. Il n’y a pas d’âge pour apprécier les trésors de la littérature enfantine.
Chiaki Okada, Ko Okada
C’est toi le printemps ?
Traduit du japonais par Anne Regaud-Wildenstein
Seuil jeunesse, 2014