Le CEATL organisait en mai 2022 son assemblée générale à Sofia. L’occasion de faire le point sur les bonnes pratiques européennes autour de la traduction et de créer des synergies pour contrer celles qui menacent notre métier. Françoise Wuilmart, déléguée de Belgique et également membre du CA de l’ATLF revient pour nous sur les principaux enseignements de cette rencontre.
Vous vous rappelez certainement cet organisme supranational qui nous représente tous au niveau européen, nous traducteurs littéraires : le Conseil européen des associations de traducteurs littéraires : CEATL.
Créé au siècle passé (dans les années 1990) il regroupe à ce jour 33 associations. J’eus le bonheur d’en être un membre fondateur et aujourd’hui un membre d’honneur. Comme tous les ans depuis sa naissance, j’y ai assisté.
Notre assemblée générale annuelle s’est tenue cette fois à Sofia en Bulgarie, organisée dans l’urgence (il avait longtemps été question de la faire par visioconférence) par Teodora Tzankova que nous remercions chaleureusement. Les représentants de la France (ATLF) y furent Valérie le Plouhinec (par ailleurs membre du bureau) qui y assista par zoom interposé, et Cécile Déniard, présidente de la Sofia et seconde déléguée.
Rappelons brièvement que le but essentiel de ces rencontres est de confronter nos bonnes pratiques nationales, et surtout de lutter contre les mauvaises en tentant de remédier à certaines carences ou retards au niveau national.
La tâche est immense, des groupes de travail ont donc été constitués qui rassemblent et publient des informations sur des sujets spécifiques liés à la traduction et aux traducteurs littéraires en Europe. Six groupes de travail sont actuellement actifs:
- Conditions de travail
- Droit d’auteur et droits numériques
- Visibilité
- Formation et éducation
- Meilleures pratiques
- Actualités sur la traduction littéraire
Cette fois encore, ces groupes se sont donc réunis, le 18 mai, pour faire avancer les choses. Plus particulièrement :
- En 2022 le CEATL a publié les résultats de sa grande enquête européenne sur les conditions de travail, menée en 24 langues, à laquelle près de 3000 traducteurs ont répondu. Bien sûr les résultats détaillés sur les 27 pays étant difficile à lire et à exploiter, une version résumée a été rédigée et sera bientôt publiée…et diffusable urbi et orbi.
- Une enquête juridique fut menée auprès des associations membres apportant des éclairages très intéressants sur les pratiques contractuelles, permettant à chaque pays de se situer par rapport aux autres (publication imminente)
- Enfin, des enquêtes ponctuelles sont actuellement menées sur des points précis : une sur la mise en œuvre de la directive DSM, une autre en cours sur les modes de calcul du droit de prêt.
- À pointer : plusieurs délégués du CEATL, notamment Cécile Déniard, ont activement participé à la rédaction du rapport de l’UE Translators on the cover.
Par ailleurs, le CEATL a été présent à une série d’événements tels que
- Bologne, Foire du livre jeunesse ; le CEATL fut invité à un forum international en ligne. Un protocole d’accord a été signé entre le CEATL et la Foire de Bologne.
- Italie : en septembre 2021, des représentants du CEATL ont participé au premier congrès international des traducteurs littéraires italiens.
- Ukraine et Biélorussie : le CEATL a été invité à devenir partenaire du fonds de textes et de traduction de l’EWC, une initiative pour favoriser la traduction d’œuvres en prose, de poèmes et d’articles par des auteurs biélorusses, ukrainiens et russes opposés à la guerre
Le CEATL a mis en ligne le dernier numéro de sa revue dans laquelle les traducteurs littéraires peuvent élever la voix : Counterpoint/Contrepoint. Thème abordé récemment, parmi beaucoup d’autres : les mots politiquement chargés et leur traduction, et les « sensitives readers ». La revue a reçu en 2021 une bourse de 8000 euros de la fondation Michalsky.
Le CEATL a mis en ligne son site Companion of Literary Translators’ Associations, qui compile idées et conseils pour les associations en puisant dans les rapports annuels de ses membres.
Sur le plan de notre visibilité : en cette année du centenaire d’Ulysse, est prévue la réalisation d’une vidéo de 3 minutes dans laquelle divers traducteurs de Joyce lisent une phrase dans leur langue.
Enfin, nous avons pu avoir une rencontre par Zoom avec des auteurs/traducteurs ukrainiens : moment très émouvant où l’assemblée a pu s’entretenir avec Ostap Slyvynsky, poète, essayiste et traducteur, vice-président de PEN-Ukraine qui a évoqué depuis Lviv la situation des traducteurs et auteurs ukrainiens.
Oksana Stoianova, traductrice ukrainienne vivant actuellement en Bulgarie qui nous a déclaré : « Les traducteurs sont extrêmement importants en temps de guerre. En traduisant les auteurs ukrainiens, les traducteurs font connaître l’identité et le patrimoine culturel ukrainien ». Elle a évoqué les réseaux de solidarité qui se sont créés notamment par des groupes Facebook, qui aident les réfugiés à rester en contact entre eux.
Natalia Pavliuk, présidente de l’Association des traducteurs et interprètes d’Ukraine nous a également a parlé par Zoom.
Rappelons que le site Pen-Ukraine war.pen.org.ua, est le centre de ressources vers lequel se tourner pour ceux qui veulent aider l’Ukraine.
Contact fut pris pour une entrée prochaine de l’association des traducteurs ukrainiens au CEATL.
Comme chaque fois, la réunion fut une réussite sur le plan professionnel mais aussi humain, occasion unique pour toutes les cultures européennes de se frotter les unes aux autres, de se découvrir, de mieux se connaître.
La prochain AGM, édition 2023, aura lieu en Slovénie, à Ljubjana.
Françoise Wuilmart