Autre cas de figure qui précipiterait bien le traducteur dans toutes les librairies de France et de Navarre afin d’y effectuer une correction : la bonne idée trop tard venue, le « bon sang, voilà ce que j’aurais dû mettre ! »
Imaginez. Veille de Noël. Le Père-Noël se prépare pour sa tournée, et catastrophe : l’un de ses rennes est cloué au lit. Affreux mal au ventre. Et la pauvre bête explique : « Je crois que j’ai grignoté quelque chose qui ne m’a pas réussi. »
Ça, c’est sur l’album. Mais la traductrice, qui a traduit ce texte à bottes de sept lieues après avoir reçu la v.o. par fax – des mètres et des mètres en accordéon découverts dans son antre au matin, c’était un autre temps –, s’avise après l’envoi de son texte qu’elle a bien mieux en stock, pour ce nibbled de la v.o. ! Ce que dirait un vrai renne serait : « Je crois que j’ai brouté quelque chose qui ne m’a pas réussi. »
Ce serait tellement plus renne ! Il est évident qu’une maman renne dit à son renneton, quand celui-ci se plaint de mal au ventre : « Tu n’as pas brouté quelque chose que tu n’aurais pas dû ? »
Comment ne pas y avoir pensé ? Hélas, trop tard. Réponse de l’éditeur alerté : l’album est déjà parti pour Hong Kong. Bon, tant pis. Mais il y a pire : Pour cette broutille, l’esprit d’escalier aura frappé deux fois ! Vingt ans après, lors d’une nouvelle édition de l’album, la traductrice, pourtant dûment prévenue, n’a pas songé en temps voulu que le renne alité se trouvait dans ces pages. Pour rectifier, une fois de plus, trop tard.
En consolation, ce commentaire d’une petite fille, entendant le renne mal en point accuser ce qu’il a grignoté : « Pour votre santé, évitez de grignoter ! »
Parfois, la dérive des mots fait bien les choses.
Mais oh ! ce vieux rêve : reprendre une traduction, les reprendre toutes, pour simple retouche ou remise en chantier à partir de zéro…
Rose-Marie V.