L’ATLF retrouve les couleurs d’America

Le festival America renaissait de ses cendres fin septembre pour fêter ses vingt ans, après l’annulation de la dernière édition pour cause de pandémie. Comme toujours, la manifestation dédiée à la littérature des Amériques fait la part belle aux traducteurs, notamment présents auprès de leurs auteurs sur les différents plateaux de discussion. Pour sa part, l’ATLF proposait trois ateliers de traduction à destination des scolaires (animés par Marie Tillol, Lauriane Crettenand et Peggy Rolland) ainsi que deux joutes. Laurence Richard, membre du CA, vous raconte son baptême de joute.

La première joute de ma vie

Comme si vous y étiez!

Cela commence toujours un peu de la même façon : on compte un peu large pour les transports (on se sait jamais, surtout le week-end, avec les temps d’attente), on branche l’ordinateur, les micros, redoutant malgré tout que quelque chose ne se passe pas comme prévu – mais non, les techniciens veillent au grain, tout va bien aller. Déjà, le public arrive. Deux femmes se présentent alors qu’il est à peine 10h – la joute commence à 10h30 ‑, un peu agacées qu’on les ait envoyées au premier étage.

Ce samedi-là, à l’espace Sorano de Vincennes, les deux salles qui nous sont allouées se remplissent très vite. Les jouteuses, Lise Capitan et Béatrice Guisse, prennent place.

La modératrice, Laura Bourgeois, accueille le public, mais aussi l’autrice, Kristiana Kahakauwila, ainsi que sa traductrice, Mireille Vignol, qui nous ont fait le plaisir de se joindre à nous.

Dans le texte inédit que nos deux jouteuses ont eu à traduire, la scène se passe dans le comté de Kalawao, à Hawaï, au 19e siècle, dans un pensionnat de filles. Nos deux jouteuses ont fait des choix différents : temps de la narration, présentation des dialogues, traitement des mots hawaïens. C’est le moment de s’expliquer ! Le public réagit, questionne.

Alors, note ou pas note de bas de page ? Peut-être ne peut-on répondre qu’au cas par cas, en fonction du roman, et probablement pas au début…

La question se pose aussi le lendemain, lors de la joute du dimanche, sur le texte de Matthew Neill Null. Un récit qui nous a donné du fil à retordre, à nous les jouteurs, Laurent Vannini et moi-même (Laurence Richard).

Comme l’auteur arrive en avance, nous en profitons pour lui poser des questions. Matthew est ravi d’être là, avec nous, avec le public, même s’il ne peut rester pour la totalité de la joute, étant attendu pour une table ronde – et c’est bien volontiers qu’à la demande de Sarah Gurcel, modératrice hors pair, il commence à lire le début de son texte, à voix haute.

Les phrases s’affichent à l’écran, avec de part et d’autre, nos deux traductions.

En quelques lignes, le décor est planté : la Virginie Occidentale, les mines, ces gens « durs au mal », le personnage principal, mineur à la retraite, qui dresse des chiens d’arrêt. Les difficultés de traduction sont vite mises en lumière, liées à ces deux champs lexicaux. La modératrice nous interroge, le public aussi pose des questions. On explique : comment on a travaillé, l’un et l’autre ; on échange, on débat, on partage nos interrogations. Nos doutes aussi.

Sur ce texte ardu, même les locuteurs natifs s’interrogent : « ‘Tally boy » ? L’auditoire, comme la veille, est réactif. Alors on le met à contribution : qu’auriez-vous proposé sur cette phrase particulièrement difficile ? Et si on essayait, ensemble, de la retravailler ? Les papiers et les stylos circulent, la modératrice leur laisse quelques minutes. À tour de rôle, on lit les propositions. Mais le temps passe trop vite : nous arrivons déjà à la fin des deux heures.

Pour « ‘Tally boy », nous n’aurons le fin mot de l’histoire que plus tard, par un traducteur américain du public qui nous écrira le surlendemain : ayant recroisé Matthew Neill Null lors d’une autre table ronde, il lui a posé la question.

Mais, réflexion faite, je vais plutôt vous laisser chercher…

Laurence Richard