PETRA E : kèsksèkça ?

par Françoise Wuilmart

Désormais une chronique récurrente vous sera proposée : elle traitera de problèmes de traduction divers, ceux que nous rencontrons tous dans notre métier et sur lesquels nous sommes souvent seuls à cogiter dans notre niche… Pourquoi ne pas les partager, donner notre avis et écouter celui des confrères et consœurs ?

Elle vous sera proposée par Françoise Wuilmart qui a fondé le CETL, enseigne la traduction littéraire et a écrit maints articles de traductologie, juste pour vous dire que des problèmes, elle en connaît ! Mais elle est surtout familière des diverses manières de les approcher.

Elle vous invitera à lui répondre, à débattre, et pourquoi pas : si une question cruciale émerge, on pourrait en discuter dans une réunion Zoom et ainsi se rencontrer autrement que par l’écrit ?

Les prémisses.

En septembre 2008, les États généraux du multilinguisme à Paris invitaient à une vision plus large de la traduction littéraire et à la constitution d’un programme européen portant sur la traduction et les traducteurs littéraires.
En avril 2009, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, exprimait le vœu de valoriser la pratique de la traduction, lors de la conférence Traduction littéraire et Culture, organisée par les commissions Multilinguisme et Culture de la Commission européenne à Bruxelles. Le projet PETRA (Plateforme Européenne pour la Traduction Littéraire) relève alors le défi. Il se donne pour mission de promouvoir et de soutenir la traduction et les traducteurs littéraires, et d’améliorer leur statut, en s’adressant aux décideurs politiques européens et aux responsables politiques nationaux.
Dans la foulée un congrès européen entièrement consacré à la traduction et aux traducteurs littéraires est organisé à Bruxelles les 1er, 2 et 3 décembre 2011.

Dès 2016, le projet PETRA décide de se focaliser sur la formation, et devient PETRA E (E pour Education). Son objectif est de taille : objectiver les critères permettant de statuer sur la qualité d’une traduction, ni plus ni moins. Or s’il est une pomme de discorde familière du milieu, c’est bien la question de savoir si le jugement porté sur une traduction comporte ou non une part de subjectivité. C’est cette subjectivité supposée que va tenter d’évincer, d’évacuer PETRA E par l’élaboration d’un cadre de références d’une rigueur voulue scientifique.
Il est vrai que certains enseignants en sont encore à émettre des appréciations « impressionnistes » sur la qualité des traductions de leurs élèves : « C’est trop lourd »,  « Ça ne me plaît pas trop », « Moi je vois autre chose derrière ces mots »… Or il s’agit bien là de jugements purement subjectifs. Ce que devrait faire l’enseignant c’est objectiver de manière précise chaque erreur en particulier : contresens, faux sens, connotation impropre, anachronisme, erreur de registre, rallongement indu, non-respect du rythme, de la mélodie, et j’en passe. Une telle objectivation suppose bien sûr un sens aigu du repérage lexical ou stylistique, une approche analytique fouillée et last but not least… une grande méfiance à l’égard du ressenti personnel pouvant entraîner une réduction assassine du texte à sa propre lecture. Le traducteur littéraire ne devrait-il pas avoir l’œil de la mouche, captant par son prisme multiple la polysémie du texte source pour ensuite savoir la restituer dans toute sa complexité ? Sans oublier qu’il se devrait aussi de repérer chez l’apprenant les lacunes qui le bloquent dans sa progression.
C’est sur la base de telles réflexions que PETRA E s’est attelé à la tâche, décidant de cerner lesdites compétences et d’établir une échelle de niveaux dans leur acquisition. Il propose une ligne directrice pédagogique, fournissant aux formateurs les moyens d’adapter leur programme tandis que les traducteurs peuvent l’utiliser pour évaluer leurs propres compétences et déterminer lesquelles d’entre elles doivent être approfondies pour accroître le degré de professionnalisme. C’est donc un modèle analytique de compétences assorties de descripteurs précis, qui énumère les connaissances, savoir-faire et attitudes que devrait posséder un traducteur littéraire. Le cadre de référence se présente sous forme d’un diagramme avec les compétences en ordonnée (au nombre de huit) et les niveaux en abscisse (au nombre de cinq).
C’est donc le parcours… obligé ? emprunté par le novice et conduisant au summum de l’expertise que propose ce cadre de références dont vous pourrez prendre connaissance de manière exhaustive en cliquant ICI.